Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/244

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avec le démon. Si tu confesses ton crime, je te rendrai la liberté ; mais si tu t’obstines à garder le silence, je vais te mettre entre les mains du prévôt.

Monsieur, répondit le berger, je vous avoue que je vais tous les jours au sabbat. C’est un de mes amis qui m’a donné le baume qu’il faut avaler ; & je suis reçu sorcier depuis près de trois ans. Gassendi s’informa avec soin de la réception de ce prétendu magicien qui lui parla de tous les démons, comme s’ils eussent resté toute leur vie ensemble.

Ecoute, lui dit Gassendi, il faut que tu me montres la drogue que tu prends pour aller à l’assemblée infernale : je veux ce soir t’y accompagner. Il dépendra de vous, répondit le berger, je vous y menerai dès que minuit aura sonné.

Lorsque l’heure fut arrivée, allons, dit Gassendi, voici le temps de notre départ. Le magicien sortit de sa poche une boëte, dans laquelle il y avoit une espèce d’opiate. Il en prit pour lui de la grosseur d’une noix ; il en donna autant au philosophe, lui dit de l’avaler, & de se coucher ensuite sous la cheminée : l’assurant que peu de tems après, il viendroit un démon sous la figure d’un gros chat l’emporter au sabbat, & que les sorciers étoient accoutumés de se rendre dans leurs assemblées montés sur de pareils chevaux.