Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de filouteries aux enfans de famille, que les trois cent courtisannes dont tu te plains. En approfondissant ce que je te dis, il te sera aisé d’en connoître la vérité.

Qui sont les gens qui fréquentent les filles publiques de la rue Longare & de la rue Serene ? Peu de personnes en état de faire une certaine dépense, & nées dans un rang distingué, s’abaissent jusqu’au point de se laisser entraîner à de pareils excès. S’ils voient ces sortes de femmes, le commerce qu’ils ont avec elles n’est point de durée, & ne peut porter préjudice ni à leur honneur ni à leur bourse. Le peuple, les gens d’une naissance obscure, quelques bourgeois débauchés, peuvent tomber dans leurs piéges : encore le cas n’arrive-t-il pas souvent. L’horreur qu’inspire le métier infâme des courtisannes est un préservatif contre leurs attraits & leurs charmes. L’idée que le public a de leur caractere les rend moins pernicieuses à la société : l’on hait ordinairement le vice qui ne sait pas se couvrir des apparences de la vertu. La feinte & l’artifice sont les talens dans lesquels les filles de l’opéra excellent. Leur profession les met à même de voir bonne compagnie. Elles savent, sous un maintien déguisé & un air de modestie, couvrir