Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/310

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Il s’est trouvé quelquefois des courtisanes susceptibles de l’envie d’acquérir de la gloire, & capables de ressentir une passion délicate. Cela arrive rarement ; mais on en voit plusieurs exemples. Elles aiment plus fortement que les autres femmes, lorsqu’elles ont le cœur sensible, les traits dont elles sont blessées étant infiniment plus forts puisqu’elles surmontent le penchant qui les porte à la débauche & l’habitude qu’elles s’en sont faites. Elles ne sont capables que de grandes passions : ou elles deviennent insensibles, ou elles aiment jusqu’à l’excès. Il n’est point de milieu dans leur cœur. On a vu dans ce pays des femmes dont la vie avoit été très-déréglée, prendre dans la suite des mœurs pures. L’amour avoit fait sur elles plus d’effet que les exhortations & les discours de vingt prédicateurs. Un auteur, imitateur d’Esope, & aussi original que son modele [1], conte l’histoire d’une courtisane Romaine, qui paya à l’amour le tribut d’un cœur délicat.

Il en est encore plusieurs autres qui ont été dans le même cas ; & si nous en croyons l’antiquité, la célébre courtisane Laïs prodigua des faveurs à Diogene, qu’elle vendoit si

  1. La Fontaine.