Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/45

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une seconde classe de gens d’église, dont elles se servent au besoin. Ce sont nos moines, gens vils & inutiles à l’état. Ils sont, en galanterie auprès des dévotes, ce que les Suisses sont en France, troupes auxiliaires, & jouissent de tous les privileges de la nation. Le secret est leur partage : ils se glissent dans les familles sous les noms de directeurs spirituels, de conducteurs dans la voie du salut ; & ils promettent de mener par la main, dans le chemin du ciel, jusqu’au petit chien de la fille du logis. Le mari est le premier trompé, & bénit chaque jour l’heureuse connoissance de celui qui le déshonore. »

Quels excès, mon cher Isaac, & quels déréglements ! Je t’avouerai que je souffrois, lorsque cet officier me tenoit ces discours. J’avois peine à les croire ; mais je suis à même d’examiner tout.

S’il ne m’en a point imposé, juge, si, lorsque j’entrerai dans le détail, je manquerai de matiere pour nos lettres. Je t’avoue que je me félicite tous les jours d’être né juif. Je n’aurois pu m’accoutumer à de pareils désordres ; & j’eusse mieux aimé d’être privé du doux nom de pere, que d’épouser une nazaréenne. Tu connois