Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/188

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de boutique, qu’avec un de ces capitans matamores.

A peine le moine m’eut-il quitté pour entrer dans l’hôtellerie, qu’un de ces jeunes gens, qui avoit fait un si grand vacarme pour être placé auprès de la jeune fille, m’aborda avec un air riant & évaporé. Je vous plains, me dit-il, monsieur, de la peine que vous avez eue ce matin. Vous étiez très-mal placé dans le bateau. Ces moines ne sçavent que marmoter leur bréviaire. Ces vieux militaires sont incommodes. Ils crient & piaillent sans cesse, ou vous ennuient du récit des batailles auxquelles ils se sont trouvés. Vous vous seriez parfaitement amusé si vous vous étiez trouvé dans notre coin. Nous avons ri, comme vous avez vû, pendant tout le chemin. Je vous conseille de vous placer auprès de nous cette après-dînée.

Un grand homme sec, qui n’avoit rien dit pendant toute la route, plioit les épaules, & levoit les yeux, en écoutant le discours de ce jeune étourdi. Il prit le moment de me parler en particulier, comme je retournois au bateau chercher quelque chose que j’avois oublié. Monsieur, me dit-il, souffrez qu’en camarade de voyage, je vous donne un avis. Gardez-vous de vous mettre en route auprès de ce jeune homme, ou résolvez-vous d’essuyer plus de questions,