Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/198

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lui donna chez les François, même chez les étrangers, une vogue qui dura jusqu’à ce que l’illusion fût dissipée, & que la raison eût repris le dessus.

Il faut être bien aveugle pour se figurer que les auteurs Grecs & Latins, qui nous restent aujourd’hui, ont été fabriqués à S. Denis dans un monastère de moines : car c’est là que cet imposteur prétend que toute l’antiquité a été forgée. Or je demande comment les Grecs, qui possédoient successivement dans leurs bibliothéques les manuscrits de leurs auteurs, se sont accordés à les brûler, ou à les déchirer, & à recevoir ceux qu’on avoit fabriqués sous leurs noms dans ce couvent de moines ?

Quand on eut refait Xenophon, Homère, Pindare, Sophocle, Euripide, Diodore de Sicile, &c, comment les fit-on transpirer dans les bibliothéques des Grecs, qui n’étoient alors remplies que de ces auteurs ? Comment troqua-t-on les faux avec les véritables ? Mais l’on dira peut-être qu’il n’y avoit aucun livre en Grèce, & que les Grecs ne sçavoient ni lire, ni écrire, quelque tems après Constantin. On ne peut soutenir le fond de ce systême, qu’en avançant cette impertinente absurdité. Car si l’on avoue que les Grecs avoient des yeux, & sçavoient lire & écrire, en prenant