Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/215

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figure de bois qui représente le saint patron de son village. Il a avec lui de fort longues conversations. Il le prie de lui donner une bonne récolte : il lui promet en échange plusieurs offrandes ; il est réellement persuadé qu’il est dans ce bois une vertu surnaturelle.

Ce qui augmente l’erreur du peuple, c’est la fourberie des moines qui publient de tems en tems quelques miracles. Ils annoncent qu’une certaine image a parlé, qu’une autre à remué les yeux, ou sué du sang. N’est-ce pas vouloir persuader au peuple que dans ces statues il y a quelque chose de divin & de surnaturel ? N’est-ce pas le pousser & l’induire à l’idolâtrie ? Et quel est le paysan qui, persuadé qu’une telle statue a parlé plusieurs fois ne se figure pas, que puisqu’elle a l’usage de la voix, elle doit avoir sans doute celui de l’ouie. La figure n’est plus alors un simple caractère qui lui retrace le souvenir d’un homme pieux. C’est un demi-dieu, auquel il adresse les mêmes vœux qu’un payen adressoit à Mercure ou à Junon. Ainsi l’avarice des moines qui veulent achalander certaines images, pour détruire celles de leurs voisins, & attirer tous les profits dans leur temple, pervertit