Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/22

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Voltaire est un monstre vomi de l’enfer, pour le supplice de tous les auteurs qui ont eu quelque réputation, & qui se sont piqués d’être honnêtes gens. Rousseau, c’est ainsi qu’on nomme ce frere d’Alecto, la calomnie en main, perça de ses traits quiconque eut du mérite ; & quoiqu’il fut l’ennemi de tout le genre humain, sa haine se répandit avec plus de violence sur ceux qu’il crut les plus estimables. Tant de crimes révolterent enfin toute la France : l’état se crut intéressé à la perte d’un scélérat & d’un furieux : il fut condamné au bannissement par arrêt du parlement de Paris, pour certains couplets qu’il avoit faits, & dans lesquels plusieurs personnes étoient déchirées. Il erra long-tems de royaume en royaume. Son génie & son talent pour la poésie, le firent d’abord recevoir avec plaisir par ceux qui ne le connoissoient point. Mais, semblable à la couleuvre d’Esope, il se jetta sur ses bienfaiteurs, dès qu’ils l’eurent retiré du misérable état dans lequel sa fuite le mettoit. Enfin, lassé de crime & non pas rassasié, il resta quelque tems sans exciter les serpens ; mais bien-tôt, furie implacable, il déchira de sa retraite tous les bons auteurs que son éxil lui rendoit encore plus odieux. Voilà,