Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/246

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L’historien, le poëte, le rhétoricien ont la même idée ; & c’est à qui louera avec le plus d’emphase, l’histoire, la poësie & la rhétorique.

L’amour de la sagesse, mon cher Isaac, ne cherche point avec avidité les louanges & les éloges. Un homme, qui ne veut vivre que pour être utile à ses concitoyens, ne fait paroître aucune partialité sur le rang & l’estime qu’on doit accorder à ceux qui leur donnent des instructions, qui ordonnent leur esprit, ou qui forment leur cœur. Mais la vanité & le desir de briller & de s’élever au-dessus de ses concurrens, n’inspirent point des sentimens aussi désintéressés. Ils excitent l’amour-propre, & font naître une jalousie, qui, quoique cachée, n’en est que plus violente. Ces passions sont la cause du peu de justice, que les sçavans se rendent ordinairement. Ils craignent toujours que la réputation des autres ne diminue la leur, & qu’elle ne leur ferme le chemin de cette immortalité à laquelle ils aspirent avec tant de fureur. Je pense, mon cher Isaac, que je puis me servir avec raison du terme de fureur, pour marquer l’envie qu’ont les gens de lettres de transmettre leurs noms à la postérité. Quelques-uns ont fait des actions presque aussi