Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

charmé de les faire paroître. Peut-être que la politique a quelque part à cette modestie. Ce n’est pas un moyen de plaire à une foule de jeunes étourdis, que de vouloir dogmatiser. Ils aiment mieux sçavoir les bals & les festins qu’on doit donner pendant le cours du mois, que d’apprendre quel est le plus vraisemblable des systêmes de Copernic ou de Ptolomée.

Ainsi, en ne faisant point une vaine ostentation de sa science, un officier évite le ridicule d’être regardé comme un pédant. Peut-être que s’il étoit à la place du sçavant, il feroit la même chose que lui, & mettroit son nom à la tête de quelque traité contre la gloire & la vanité.

Lorsque je vois certain philosophe, avide de louange, écrire contre la vanité, je crois voir un ivrogne le verre à la main, me faire un sermon sur la tempérance. A propos de tempérance, je te dirai qu’on m’a raconté en passant à Péronne, l’histoire d’un chien qui peut servir d’exemple pour la sobriété. Cet animal observoit tous les jours de jeûne, mangeait maigre les Vendredis & les Samedis : il fût plutôt mort de faim que de lécher un os ces jours-là. Il avoit bien d’autres vertus : il étoit assidu à vêpres & à matines, faisoit