Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/82

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que sous nos tentes, pourquoi nous donnerions-nous la peine de les construire ?

Les hommes, mon cher Monceca, en batissant des villes, se sont rendus esclaves les uns des autres : ils ont été obligés d’accorder des droits à de simples particuliers, qui forment les chaînes dont ils se sont eux-mêmes liés. Ces bastions, ces citadelles, ces fortifications, sont devenues dans les suites aussi nuisibles aux peuples, qu’ils les croyoient utiles pour les garantir de leur ennemis. Ceux à qui l’on avoit confié ces défenses, les ont fait servir à s’emparer de l’absolu pouvoir ; & les premiers hommes qui ont habité dans les villes, ont été les premiers esclaves.

Les Bédouïns, pour conserver leur liberté, n’ont pas besoin d’assembler leurs états-généraux. Il n’est chez eux aucune dispute, aucune guerre civile ; ils trouvent partout des pâturages & de l’eau ; & voilà leurs plus précieux trésors. Leur industrie, leur frugalité, leur fournissent le reste. Il n’est chez eux aucun différend sur la religion : point de docteurs & de théologiens toujours prêts à disputer. Si les plus zélés jansénistes & molinistes, dont tu m’as souvent parlé dans tes lettres, fussent nés Bédouïns, ils eussent passé leur vie sans être agités par les fureurs