Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/194

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— Restez donc, je suis seul, et je n’ai pas envie de parler, dit Lee en fouillant dans de grands cartons à dessins.

On entendait un léger bruit de soie froissée dans la seconde pièce, qu’une portière seulement séparait de celle où ces messieurs se trouvaient.

— Vous êtes seul ? Mais… cette fête ? ces fleurs ? cela ne cache pas quelque fée ?…

— Bah ! mais non : rien qu’une fleur, encore une fleur.

Et l’Anglais soulevait la portière, en indiquant du doigt la fleur qu’il allait mêler à celles des trois corbeilles.

Gabriel poussa une exclamation.

— Chut !

C’est à peine si l’on pouvait reconnaître Carlotta dans l’apparition qui venait d’arracher au jeune homme un cri d’admiration. Elle s’avança au signe qui lui fut fait, sans avoir cependant levé les yeux. Elle n’eut pas plus l’air de reconnaître Dompierre qu’elle ne semblait s’apercevoir qu’il y eût là quelqu’un. Elle marchait du même pas naturel, avec le même déhanchement simple qu’elle avait à l’Isola Bella. On eût dit qu’elle était chez elle, avec cette aisance de gestes particulière à tout être humain qui se sent à l’abri de tout regard. Pourtant, elle était complètement nue.

— Voyez, dit Lee avec un sentiment de fierté, ce que j’ai obtenu.

Gabriel ne put se retenir de sourire, parce que le poète disait cela du ton d’un horticulteur qui vous montre une espèce rare, résultat de longs et savants efforts appliqués à dompter la nature. Mais ici le phénomène était d’ordre contraire précisément ; le dompteur avait obtenu, comme résultat, la nature.

Carlotta s’était aussitôt occupée des fleurs, et les