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XXVI


La mort de Carlotta révolutionna l’Hôtel des Îles-Borromées. Tout le monde la connaissait, lui achetait des fleurs chaque jour, et avait coutume d’aller l’entendre, le soir, soit dans les jardins, soit sur le lac. Sa beauté était proverbiale, et Mme de Chandoyseau l’avait agrémentée d’une légende qui ne contribuait qu’à piquer davantage la curiosité. Les regards étaient dirigés sur Gabriel Dompierre qui souffrait cruellement, condamné à ne paraître ni trop affecté ni indifférent, et condamné cependant à s’entretenir comme le premier venu, d’un sujet dont l’actualité brillante absorbait tous les esprits.

On se porta, après le dîner, dans les jardins, du côté du lac. Beaucoup avaient l’intention de se faire conduire jusqu’à l’endroit où le crime avait été commis, et ceux-ci ne cessaient d’interroger Dompierre sur le lieu précis où le corps était resté étendu. « À quel signe le reconnaître, monsieur ? y avait-il des traces ?… » Quelques-uns affectaient de ne pas l’interroger, bien qu’il eût été l’un des premiers témoins de l’assassinat. C’étaient les personnes discrètes, et qui voulaient épargner le pauvre jeune homme.