Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/62

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degré d’intimité où elle est avec Madame de Chandoyseau…

— Mon ami, vous savez aussi bien que moi qu’il n’y a pas de degrés dans l’intimité de Madame de Chandoyseau : si cette petite est ce que vous croyez, elle ne tiendra pas sa langue. Madame de Chandoyseau est édifiée à l’heure qu’il est.

— Et c’est la femme la plus heureuse du monde !…

— Après moi ! interrompit Mme Belvidera, voulant montrer par là que rien ne pouvait entamer son bonheur.

— Merci, ma chérie !… ma chérie !…

— C’est égal, ajouta-t-il, notre bonne amie de Chandoyseau nous gardera une terrible rancune, pour deux raisons : d’abord parce que ses bons soins nous auront été superflus, alors qu’elle eût voulu nous jeter dans les bras l’un de l’autre ; ensuite parce que ce n’est pas elle qui nous aura vus la première dans cette attitude… Quant à nous, il faut sortir de la « chambre de Vénus » et voici l’heure du déjeuner. Retournons-nous à Stresa ?

— Je n’en ai guère envie, et vous ? Ne peut-on pas déjeuner dans l’île ?

— Mais si !

— Quel bonheur ! dit-elle en se courbant pour passer sous le maudit lierre ; et dans la joie de recouvrer la lumière, de revoir le paysage resplendissant dans la chaleur de midi, elle se mit à sauter avec l’insouciance admirable que donne la santé et la beauté plus fortes que tout.

— Nous risquons de tomber dans nos connaissances qui pourraient bien avoir eu la même idée que nous !

— Tant pis ! tant pis ! dit-elle, nous dirons la vérité. Ne nous sommes-nous pas rencontrés ce matin par hasard ?