Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/67

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l’estime du peintre-poète, que les compliments les plus outranciers laissaient glacial. Elle se tut, prit sa mine chiffonnée, et quittant des yeux les dessins fameux, elle aperçut Mme Belvidera et Dompierre. Leur présence lui offrait une digression si opportune qu’elle se précipita et les incendia du feu qu’elle avait à répandre.

Elle appela simultanément son mari et Solweg qui étaient allés s’asseoir contre une barque de pêcheur échouée sur le rivage, à l’ombre grêle d’un acacia.

— Comment, vous ne savez pas ? dit elle, mais en effet, vous ne pouvez pas savoir : Solweg est arrivée ce matin par le bateau de sept heures, inopinément ;… on a frappé à ma porte ; je rêvais ; — je rêve beaucoup, surtout le matin — je rêvais à quoi donc ?… est-ce que je sais ? je rêve à tant de choses… Bref, j’ai cru que le feu était à l’hôtel. Hector ronflait dans la chambre voisine. Je lui crie : « Hector, levez-vous donc ! il y a quelque chose ! » Ah bien, ouiche ! comme si je chantais ! Je me lève donc moi-même ; je vais ouvrir. Qui est-ce que je vois ? Qui est-ce qui tombe dans mes bras ? Solweg.

— Qui est cette demoiselle Solweg ? firent d’un même mouvement les deux jeunes gens.

— Comment, vous ne savez pas ? Comment je ne vous ai pas parlé de ma sœurette, de ma petite sœur Solweg ? Mais après tout, c’est bien possible ! je l’ai toujours si présente à l’esprit, la chère, que je crois avoir déjà parlé d’elle au moment où je vais prononcer son nom, et je ne voudrais tout de même pas que l’on trouvât que je rabâche…

Et elle continua de bavarder pendant que M. de Chandoyseau s’avançait doucement avec sa gracieuse petite belle-sœur. On la présenta successivement à Mme Belvidera et à Dompierre.