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LA RESTRICTION DU SENS.

Pour désigner le toit de la maison les Latins avaient le mot teg-men, formé d’un verbe, tegere, « couvrir », et d’un suffixe, men, qui sert à marquer l’instrument. Mais tegmen convenait aussi et a été également employé pour marquer l’abri fourni par un arbre, une cuirasse ou toute espèce de couverture ou d’enveloppe. Si, au lieu de tegmen, j’ai recours à tectum, je trouve un mot déjà plus restreint par l’usage, mais offrant à peu près la même combinaison du verbe et d’un suffixe. Tec-tum, c’est tout ce qui est couvert, par conséquent le plafond d’une chambre, la voûte d’une caverne, le baldaquin d’un lit aussi bien que le toit d’une maison. Il faut descendre jusqu’au français toit pour trouver le mot enfin assez resserré par l’usage et (ce qu’il faut ajouter) assez méconnaissable par la forme, pour convenir uniquement et spécialement à la couverture d’une maison.

On doit déjà par ce premier exemple entrevoir quelle est la cause de la disproportion entre le nom et la chose.

Elle vient de ce que le verbe est la partie essentielle et capitale de nos langues, celle qui sert à faire des substantifs et des adjectifs. Or, le verbe, par nature, a une signification générale, puisqu’il marque une action prise en elle-même, sans autre détermination d’aucune sorte. En combinant ce verbe avec un suffixe, on peut bien attacher l’idée verbale à un être agissant, ou à un objet qui subit