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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

jeunesse nous donne à ce sujet une leçon qui n’a pas été bien comprise. Sous prétexte que certains jeux qui nous sont venus d’Angleterre avaient été autrefois joués en France, on a proposé de substituer aux mots anglais les anciens noms sous lesquels nos pères les avaient connus : mais cette considération ne paraît pas avoir pesé d’un grand poids auprès des amateurs de foot-ball ou de lawn tennis ; ils ont pensé, non sans raison, que pour marcher de pair avec leurs émules britanniques, pour se tenir au courant des progrès de leur sport, pour communiquer avec les maîtres en ce genre et au besoin pour engager une partie avec eux, il valait mieux connaître et manier leur langue que celle d’aïeux, respectables assurément, mais qu’on ne rencontrera plus jamais sur la prairie.

L’adoption des mots étrangers, pour désigner des idées ou des objets venus du dehors, et donnant lieu à un échange international de relations, n’est donc pas une chose blâmable en soi, et peut parfaiment se justifier. En pareil cas, il faut seulement souhaiter que l’emprunt se fasse avec intelligence, et que, dans le passage d’une nation à l’autre, il n’y ait de substitution d’aucune sorte. La chose arrive plus fréquemment qu’on ne croit : enlevé de son milieu naturel, le mot emprunté court le risque de toute espèce de déformations et de méprises. C’est ainsi que le français contredanse est devenu en