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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

ferent-ês (pour ferenteis)[1]. Il faut se rappeler que la prononciation latine resserre les mots, abrège ou éteint les syllabes finales : autant de causes qui devaient rendre la déclinaison peu distincte. Le remaniement s’est étendu, de proche en proche, jusqu’à certains nominatifs : ainsi juven, « jeune homme » (sanscrit juvan) d’où juven-tus, est devenu juvenis ; aus, « oreille », d’où au(s)dire, auscultare, « écouter », est devenu ausis, auris.

B. Pour obtenir plus de clarté. — Autant que possible, il faut que les formes grammaticales ne prêtent à aucune équivoque. Si elles sont trop courtes, trop émoussées, elles menacent de devenir inintelligibles. C’est ce qui serait arrivé, par exemple, pour les génitifs pluriels de la seconde déclinaison. L’ancien génitif en um (grec ων), dont on a encore des exemples dans des locutions toutes faites[2] cède la place à un génitif en ōrum emprunté aux pronoms, et ayant de plus cet avantage d’être symétrique aux formes en ārum de la première déclinaison.

Le superlatif était primitivement terminé en τος. De cette formation très simple, il est resté τρίτος,

  1. Il y a encore quelques rares traces de l’état antérieur. Aulu-Gelle (XIX, 7) cite de Lévius l’expression silenta loca. Silenta est un pluriel neutre à la manière de φιλοῦντ-α. Mais le latin a perdu l’habitude de ces neutres : il dit veloc-ia, locuplet-ia, simplic-ia. Au génitif pluriel, on a encore parentum, animantum : mais la forme ordinaire est ium (adulescentium, infantium, discordium).
  2. Præfectus fabrum, duo milia sestertium, templa deum, etc.