Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/69

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que la vie de France. Le ſommeil que nous prenons couchez ſur nos nattes, nous ſemble auſſi doux que dans vn bon lit ; les viandes du Pays ne nous degouſtent point, quoy qu’il n’y ait gueres d’autre aſſaiſonnement que celuy que Dieu y a mis, & nonobſtant les froidures d’vn hyuer de ſix mois paſſé à l’abry d’vne Cabane d’écorces percée à iour, nous ſommes encor à en reſſentir les effets, perſonne ne s’eſt plaint de mal de teſte ou d’eſtomac ; nous ne ſçauons ce que c’eſt que fluxions, reumes, catarres ; ce qui me fait dire que les delicats n’entendent rien en France à ſe defendre contre le froid ; ces chambres ſi bien tapiſſées, ces portes ſi bien ioinctes, & ces feneſtres fermées auec tant de ſoin, ne ſeruent qu’à en faire reſſentir des effets plus cuiſans ; c’eſt vn ennemy auec lequel on gagne quaſi plus à luy tendre les bras, qu’à luy faire vne ſi cruelle guerre. Pour le viure, ie diray encor cecy, que Dieu nous a fait paroiſtre à l’œil ſa Prouidence tres-particuliere, nous auons fait en huict iours noſtre prouiſion de bled pour toute l’année, ſans faire vn ſeul pas hors noſtre Cabane ; on nous apporte auſſi du poiſſon ſec en telle quantité, que nous ſommes contraincts d’en refuſer, & de dire