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Introduction

L’œuvre d’André Gide présente des aspects tellement variés que le critique, cédant à cette „stupéfaction passionnée” que l’auteur n’a cessé d’éprouver devant le spectacle de la vie, serait tenté de renoncer à en fixer l’ondoyante complexité.

Les contradictions apparentes que certains contemporains se sont plu à y relever, ne sont pas faites pour diminuer l’embarras de celui qui voudrait analyser l’âme de Gide, que Jacques Rivière a définie ,,un merveilleux jardin d’hésitations”.[1]

Pour porter un jugement équitable sur cette œuvre, qui a fait naître tant d’opinions erronées, il faudrait se débarrasser des préjugés, des doctrines, des partis pris littéraires, enfin de tout ce qui projette son ombre sur le papier blanc et empêche d’y voir clair. C’est même pour n’avoir pu se préserver de cet „ académisme” que certains critiques — et non des moindres — ont prononcé des jugements dont la souveraine iniquité n’a d’égale que l’extrême étroitesse.

  1. Jacques Rivière, André Gide {Grande Revue, 10 sept. 1911)