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HENRY DUNBAR

— Bah ! les jeunes filles de son âge n’ont pas des idées bien arrêtées. Ne désespérez pas, Lovell, et croyez bien que s’il ne vous faut que mon consentement, vous l’aurez lorsqu’il vous plaira, dès demain si vous voulez ? Vous êtes jeune, beau, instruit, charmant ; que peut demander de plus une jeune fille, quelque frivole qu’elle soit ? Vous ne rencontrerez pas en moi de stupides préjugés, Lovell. J’aimerais à vous voir épouser ma fille au plus tôt, car je crois que vous l’aimez sincèrement. Vous avez mon consentement, en tout cas, comptez-y, et voici ma main pour ratifier l’engagement.

Il tendit sa main en parlant, et Arthur la prit avec un peu de répugnance peut-être, mais avec autant de bonne grâce qu’il lui fut possible.

— Je vous remercie de votre amabilité, monsieur, — dit-il, — et…

Il essaya de dire quelque chose de plus, mais les paroles expirèrent sur ses lèvres. L’horrible crainte qui s’était emparée de lui après la scène de la matinée pesait sur lui avec autant de force que le poids qui presse la poitrine d’un homme endormi en proie à quelque pénible cauchemar. Il avait beau faire, il ne pouvait se débarrasser du doute affreux qui l’assiégeait. Les paroles de Dunbar semblaient dictées par la bonté et la générosité d’un honnête homme, mais ne pouvait-il pas se faire aussi que le banquier voulût éloigner sa fille de lui ?

Il avait laissé voir dans la matinée la peur qu’il avait d’elle et maintenant il s’empressait d’accorder sa main au premier prétendant qui s’offrait, quoique ce prétendant ne réunît pas les conditions voulues au point de vue mondain. Ne pouvait-on pas supposer que l’innocente société de la jeune fille pesait à son père et qu’il voulait la confier à un autre protecteur ?

— Je serai très-occupé ce soir, Lovell, — dit ensuite