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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

fiches du règne d’Élisabeth et les cheminées en chêne sculpté. Tout ce qu’une fortune illimitée peut faire pour embellir une maison avait été fait pour l’aile sud par Percival, et un succès complet avait été le résultat de ses efforts. Le grand-père avait pris plaisir à orner les appartements occupés par sa jeune compagne, et Laura Dunbar avait marché sur des tapis de velours et dormi sous des rideaux de satin depuis qu’elle avait été confiée aux soins du vieillard.

Elle était habituée au luxe et à l’élégance, et accoutumée à voir autour d’elle tout ce qui est raffiné et beau. Mais elle possédait cette inépuisable faculté de jouissance qui est peut-être l’un des plus beaux attributs d’une nature jeune et fraîche, et elle ne s’était jamais dégoûtée de la charmante demeure arrangée et ornée pour elle.

Laura était une enfant gâtée de la fortune, mais il y a des natures qui ne peuvent que très-difficilement être gâtées, et je crois que la sienne devait être du nombre.

Elle ne connaissait pas l’ennui des heures qui s’écoulent. Pour elle, le monde était un paradis de beauté. Qu’on se souvienne qu’elle n’avait jamais vu la misère réelle ; qu’elle n’avait jamais éprouvé ce maladif sentiment de désespoir qui gagne les plus endurcis d’entre nous, quand nous découvrons jusqu’à quel point la misère sans espoir règne, a régné et régnera à tout jamais sur cette terre. Elle avait vu des cottages envahis par la maladie, des enfants orphelins et des veuves désolées dans ses pèlerinages aux maisons des pauvres, mais elle avait toujours pu venir en aide à ces affligés et les consoler plus ou moins.

C’est la vue du malheur que nous sommes impuissants à soulager qui fait à notre cœur une vraie blessure, et qui pour quelque temps nous fait prendre en dégoût cet univers, où l’existence ne peut avoir son cours sans de semblables misères.