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HENRY DUNBAR

— Présenterez-vous ces chèques vous-même ? — demanda Dunbar au moment où les deux hommes allaient se séparer.

— Oui, je le crois.

— Habillez-vous convenablement alors avant de vous rendre à la banque, dit le banquier. On se demanderait de quelle nature peuvent être nos relations si vous alliez vous montrer dans Saint-Gundolph Lane en pareil costume.

— Mon ami est fier, — s’écria le Major avec un accent tragique et moqueur ; — il est fier et il méprise son humble connaissance.

— Bonne nuit, — dit Dunbar un peu brusquement, — il est minuit passé et je suis fatigué.

— Sans doute. Vous êtes fatigué, et votre… votre sommeil… est-il calme ? — demanda le Major Vernon à voix basse.

Il n’y avait maintenant dans son ton rien de solennel ni de moqueur.

Le banquier s’éloigna de lui en murmurant un juron. La lueur de la lampe suspendue au plafond en biseau éclairait la figure des deux hommes. Celle de Dunbar était renfrognée et pas du tout agréable à voir, mais la physionomie grimaçante du Major, dont les lèvres minces se plissaient en un sourire méchant et dont les yeux noirs brillaient d’un éclat sinistre, ressemblait à la figure de Méphistophélès.

— Bonne nuit, — répéta le banquier en tournant le dos à son ami et en se disposant à rentrer dans la maison.

Le Major Vernon mit sa main osseuse sur l’épaule de Dunbar, et l’arrêta avant qu’il eût franchi le seuil.

— Vous m’avez donné deux mille livres, — dit-il, — c’est assez bien pour un commencement ; mais je suis un vieillard, la vie de vagabond me fatigue, et je veux mener l’existence d’un gentleman… non pas comme vous, ceci est tout à fait hors de question, tout le