Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Si tu pouvais avoir quelque repos, Gustave, et un meilleur traitement, tu reprendrais bien vite tes forces. Je suis sûre que ton père ne refuserait pas de te pardonner maintenant. Écris-lui, cher Gustave. Va à Beaubocage, afin que ta mère et ta sœur puissent te donner leurs soins. Je resterai ici avec le petit. L’on oubliera que tu as une femme et un enfant.

— Non, ma chérie, je ne veux pas te quitter, même un jour, pour racheter l’affection de mon père. J’aimerais mieux être ici avec vous que sans vous dans la plus somptueuse demeure du monde. Mais il nous faut considérer l’avenir, Susan, il faut que nous soyons courageux et prudents pour l’amour du petit. Tu n’es pas assez forte pour que tu puisses aveuglément compter sur toi seule pour le protéger. J’ai écrit une lettre pour mon père. Il s’est montré dur envers moi, cruel et inexorable au delà de tout ce que je pouvais redouter. Je sais cependant qu’il n’est pas entièrement dépourvu de cœur. Quand je ne serai plus, tu prendras la lettre d’une main, l’enfant de l’autre, et vous irez à Beaubocage. J’ai la confiance qu’il adoptera l’enfant et que le cher petit lui donnera la consolation et le bonheur qu’il avait espérés de moi. Il doit être très-isolé ; je ne puis douter que son cœur s’attendrisse lorsqu’il verra la figure de l’enfant et apprendra que son fils n’est plus. Quant à toi, ma pauvre chérie, je ne vois d’espoir que dans la vieille demeure du comté d’York, chez les amis que tu as peur de revoir.

— Je n’éprouve plus cette crainte, dit sa femme avec énergie. Je n’osais pas retourner près d’eux, il y a sept ans, mais je suis ta femme et je le puis maintenant.

— Ah ! je rends grâce à Dieu, puisque mon pauvre nom peut t’être de quelque utilité.