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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

sofa d’une chambre à une autre, Gustave qui préparait ses médicaments, Gustave dont les mains soigneuses disposaient les oreillers, les rideaux.

La pauvre femme vécut et mourut en se croyant la plus heureuse des épouses… elle prenait la bonté pour de l’amour.

Lenoble supporta la perte de sa femme avec une résignation chrétienne ; il fut affligé qu’elle fût enlevée de si bonne heure à cette demeure, qui lui appartenait de droit ; mais se laisser emporter par le chagrin ou par le sentiment d’une irréparable perte, n’était pas dans la nature de ce cœur courageux.

Quelquefois il se reprochait son manque de sensibilité, mais en réalité Mme Lenoble, la jeune, n’avait jamais été qu’une complète nullité.

Sa mort ne laissa aucune place vide, ses enfants s’aperçurent à peine qu’elle leur manquait : le père était tout pour eux.

Gustave s’était marié à l’âge de vingt ans ; il était âgé de vingt-neuf ans lorsque sa femme mourut. Sa fille aînée, Clarisse, avait huit ans ; la seconde, Madelon, sept ; le garçon, un jeune enfant gâté de cinq ans, n’allait pas encore au grand collège de Rouen.

Mais, en 1865, Mlle Clarisse avait atteint l’âge de quinze ans, et était d’une très-jolie force sur le piano, d’après ce que disaient à son père les religieuses du Sacré-Cœur, près Vire.

Mlle Madelon qui approchait de son quatorzième anniversaire, était également une très-agréable pianiste, en même temps qu’un petit prodige de savoir et de bonté, toujours suivant les rapports des religieuses au maître de Cotenoir.

Les demoiselles de Cotenoir étaient très-haut placées