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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

son frère, sur l’escalier de la maison de Gray’s Inn, se serrant dans ses haillons et maudissant la cruauté dénaturée de son plus proche parent, puis l’instant d’après il se rappelait où il était et il lançait des malédictions sur l’ennemi inconscient dont les éclats de rire parvenaient jusqu’à lui au milieu des rires joyeux qui se mêlaient aux siens.

Il y avait une petite réunion à Charlottenbourg à l’occasion de Noël.

Deux voitures attendaient dans l’avenue de lauriers pour reconduire les hôtes de Haukehurst dans leurs demeures.

La porte s’ouvrit tout à coup, et le mouvement et les conversations qui accompagnent un départ parvinrent jusqu’au misérable qui avait tant de peine à garder la conscience des choses.

« Qu’y a-t-il ? se dit-il à lui-même. De la société… M. Haukehurst a traité !… »

Il avait vécu dans une trop grande dégradation, il était descendu dans un trop profond abîme de misère, pour se rendre un compte bien exact de la différence qui existait entre sa situation présente et celle qu’il occupait quand il recevait et que de beaux équipages attendaient à sa porte.

Dans ce cycle de malheurs qu’il avait traversé, ces sortes de choses, et jusqu’à leur souvenir, étaient aussi complètement sorties de sa mémoire que si elles remontaient à un siècle.

Le misérable essaya de donner son attention aux propos animés qui accompagnaient le départ des hôtes joyeux de Haukehurst : une douzaine de personnes partaient à la fois, et Valentin donnait à ses amis des conseils sur la route qu’ils devaient suivre pour retourner chez eux.