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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

être dans ces moments l’imagination est-elle plus active, car le monde des ombres est une sorte de refuge pour l’esprit qui n’ose pas s’appesantir sur les réalités.

Avec le chagrin et la crainte pour compagnons constants, Valentin travaillait bravement et patiemment. L’espoir ne l’avait pas abandonné ; mais entre l’espoir et la crainte la lutte était incessante.

Parfois c’était l’espoir qui l’emportait pendant un moment, et le travailleur se réconfortait avec la pensée que ce sombre nuage disparaîtrait de l’horizon de sa vie ; puis, il comptait ce qu’il avait gagné, et il trouvait que le fruit de son travail était plus important chaque mois, que son nom prenait un rang plus élevé parmi les jeunes littérateurs.

Le jour où il aurait acquis le chiffre exigé par Sheldon pour qu’il pût contracter mariage ne lui apparaissait plus dans un avenir fort éloigné. Étant donnée une certaine dose de talent naturel, l’industrieux et infatigable écrivain sortirait promptement de l’obscurité et prendrait un rang distingué dans la grande armée de ces braves soldats, dont l’arme est la plume.

Quelques bonnes chances qu’eût pu avoir Valentin, il avait travaillé honnêtement pour atteindre le but qu’il se proposait.

Avant le commencement de la maladie de langueur qui consumait Charlotte, il se considérait comme le plus heureux des hommes ; il avait, dans son pupitre, plus d’un reçu constatant les dépôts d’argent faits par lui. Le nid qu’il avait construit quelques mois auparavant contenait maintenant plusieurs œufs, car le dur travailleur n’avait plus le loisir d’être extravagant, lors même qu’il en aurait eu l’envie.

L’achat d’une bague surmontée d’une ligne de dia-