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LA FEMME DU DOCTEUR.

une sorte de remords de l’accès de mécontentement et de désappointement qui en avait été la conséquence. Cette sensation aiguë de désolation disparut avec la mauvaise influence du jour et de l’heure. Au grand jour, sa maison lui apparut sous un meilleur aspect, et sa nouvelle existence lui sembla un peu moins lamentable. Oui, elle ferait son devoir, elle serait la femme dévouée de son cher George, qui était si bon pour elle et qui l’aimait avec un dévouement si généreux.

Elle parut pour la première fois avec lui à l’église de Graybridge, le lendemain de ce samedi si triste et si humide et pendant tout le sermon elle pensa à sa nouvelle demeure et à ce qu’elle pouvait faire pour la rendre coquette et jolie. Le recteur de Graybridge avait choisi ce jour-là un des textes les plus obscurs de l’épître de saint Paul aux Hébreux pour sujet de son sermon, et Isabel n’essaya même pas de le comprendre. Elle laissa ses pensées courir aux tapis et aux rideaux, aux vases de porcelaine pour les fleurs et aux jalousies, en un mot à toutes ces menues améliorations qui devaient transformer la nudité anguleuse de la maison de George en cottage coquet et gracieux. Ah ! si les arbres avaient poussé différemment ! s’il y avait eu des parasites herbacés grimpant après les cheminées, et une pelouse en pente, et une haie de lauriers, et de petites allées contournées, et un banc rustique caché sous le feuillage d’un saule pleureur au lieu de cet affreux carré de choux et de groseilliers et de ces sillons de terre striant la surface nue du jardin !

Après le service, il y eut un repas improvisé à la hâte par Mathilda. Isabel ne fit guère attention à ce qu’elle mangea. Elle était à cette période de la vie