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LA FEMME DU DOCTEUR.

la répétition exacte d’une occasion quelconque, c’est tenter l’impossible !

Il y a six milles de Graybridge à Warncliffe, la vieille et sévère ville provinciale, la bonne vieille ville, aux églises étonnantes, aux portails sombres, aux rues escarpées et rocailleuses, le tout dominé par le château antique et majestueux et ses tours noires, et ses créneaux, et ses mâchicoulis, et ses souterrains dont la paroi extérieure est incessamment lavée par une eau bleue courante. Je n’ai jamais vu le château de Warncliffe autrement que par un soleil éclatant, et ma main reste inerte lorsque j’essaye de le décrire. Il est facile d’inventer un château et de s’extasier devant des murailles couvertes de lierre et des créneaux en ruine ; mais devant la réalité grandiose, je recule impuissante ; je ne sais plus rien décrire : l’ensemble majestueux me frappe trop, et je sens toute l’insuffisance de mes paroles. Je ne puis dire qu’une chose : c’est que, pendant l’été, cette campagne du Midland est un paradis anglais orné de tous les trésors d’une grâce naturelle, enrichi par les plus heureuses associations de la poésie et du romanesque.

Raymond attendait devant une petite porte bâtarde lorsque la voiture s’arrêta. Il offrit son bras à Isabel et la conduisit par une allée tortueuse toute verdoyante, puis à travers une pelouse unie, et, passant sous un porche majestueux à travers une seconde pelouse, tapis de velours entouré de massifs, échantillon très-heureux de l’art du jardinier-paysagiste.

Ils pénétrèrent dans le château en même temps qu’un petit groupe de visiteurs qui s’étaient réunis sur le grand perron devant la porte. Une digne femme de charge, vêtue d’une fastueuse robe de soie, se mit à la