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LA FEMME DU DOCTEUR

petits vers sur les jolies femmes, les voiles, les éventails, les poignards, les maris jaloux, le clair de lune sous les balcons, les fleurs d’oranger flétries, les coupes empoisonnées, les débauches nocturnes et le désespoir ; un homme séduisant, inutile, oisif ; le but des mères ambitieuses, l’idéal des jeunes demoiselles sentimentales, — en un mot une raillerie, une désillusion et un piège.

Tel était l’homme que Gwendoline et son père avaient trouvé à Bade perdant son argent pour se distraire. Gwendoline et son père retournaient en Angleterre. Leur voyage sur le continent avait eu pour but de faire des économies sur les revenus du comte, mais par le temps qui court, le séjour dans les grandes villes européennes est coûteux et ils retournaient à Lowlands, domaine de la famille de Lord Ruysdale, où, au moins, ils n’auraient pas de loyer à payer, ils consommeraient les produits de leurs jardins et de la laiterie, ils trouveraient des lièvres, des perdrix, des truites argentées dans l’étang au milieu du parc, et cela pour rien ; et où les commerçants de la province leur feraient un long crédit et leur fourniraient des bougies coûtant moins d’un franc la pièce.

Lord Ruysdale engagea Roland à revenir avec eux, et le jeune homme accepta facilement. Il était las du continent ; il était également fatigué de l’Angleterre, il est vrai ; mais comme ces tapis verts de l’Allemagne, ces îles grecques, ces villes catholiques où les cloches appelaient sans cesse les fidèles à leurs somnolentes dévotions dans de vieilles cathédrales sombres étaient son ennui le plus récent, il répondit : Oui. Il reverrait avec plaisir sa résidence de Mordred ; il chasserait pendant tout un mois, puis il reviendrait passer l’hiver