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LA FEMME DU DOCTEUR

décidé qu’on se présenterait devant les portes du Prieuré quelques minutes avant une heure.

Comme le village de Mordred paraissait joli dans cette atmosphère somnolente du mois d’août, par ce soleil deviné par Cuyp, le maître flamand, et que tamise une brume légère ! Comme tout paraissait charmant dès l’entrée du village, où l’on voyait une vaste auberge couverte de son toit à pignon percé à jour par toutes sortes de petites fenêtres impossibles, un bon vieux toit couvert en tuiles rouges dont les gouttières et les gargouilles se cachaient et se répondaient au soleil, et où les giroflées étalaient çà et là leurs bouquets d’or ! À droite de l’auberge un sentier ombreux conduisait, en longeant les murs du Prieuré, à l’église au clocher carré, et, plus majestueuses que l’église elle-même, les portes massives de Mordred dominaient tout le paysage.

Isabel trembla presque quand Gilbert, descendant du cabriolet, tira la chaîne de fer pendue à côté d’une des portes massives et qui correspondait à une cloche. Il lui semblait qu’on sonnait à la porte du passé, et la femme du médecin s’attendait presque à voir des domestiques à livrées étranges, portant des souliers à la poulaine et des surcots mi-parti, et derrière eux le bouffon affublé de son bonnet et de ses grelots. Mais la personne qui ouvrit les portes était simplement une inoffensive vieille femme qui habitait quelques pièces ménagées dans l’épaisseur du porche massif. George pénétra lentement sous cette arcade normande, et Isabel regarda avec un frisson la herse et ses chaînes pesantes et rouillées pendues au-dessus de sa tête. Si cela allait tomber un beau jour sur Lansdell au moment où il sortirait à cheval de son grand domaine !