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LA FEMME DU DOCTEUR

huit heures, un petit monsieur très-grave, portant un gilet poivre et sel, vint me trouver à l’Hôtel Mivart et me questionna longuement sur ce que je savais de l’homme qui avait encaissé le chèque : « Pensez-vous que vous pourriez reconnaître l’homme aux favoris noirs ? » dit-il. — « Oui, certainement. » — « Et consentiriez-vous à déposer sous serment, s’il le fallait ? » — « Avec plaisir. » Sur ce, l’agent de police se retira. Le lendemain, il revint me trouver pour me dire qu’il croyait être sur la trace de l’homme en question, mais qu’il n’avait aucun moyen de s’assurer de son identité. Il savait, ou croyait savoir, quel homme c’était ; mais il ne connaissait en aucune façon l’homme lui-même. La bande avait pris peur et l’on croyait qu’ils étaient tous partis pour Liverpool, avec l’intention de passer en Amérique sur un vaisseau qui devait mettre à la voile le lendemain matin à huit heures. L’agent venait d’en être informé et il venait me demander mon concours. Le résultat de l’affaire fut que j’endossai un pardessus, que j’envoyai chercher une voiture, et que je partis pour la gare d’Euston Square, en compagnie de mon ami l’agent de police, dans le but d’attester l’identité du monsieur aux favoris noirs. C’était ma première aventure, et je vous assure que j’y pris un véritable plaisir. Nous partîmes par l’express ; nous arrivâmes à Liverpool au milieu de la nuit, et au petit jour j’eus le plaisir suprême de reconnaître mon bel ami aux favoris noirs, juste au moment où il allait s’embarquer sur le bateau à vapeur qui devait le conduire à bord du steamer à hélice Atalanta, en destination de New-York. Il se fâcha tout d’abord ; mais quand il eut reconnu que mon compagnon était parfaitement en règle, il partit avec lui, sans trop se faire prier, dé-