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LA FEMME DU DOCTEUR.

riété rêveuse. S’il n’avait pas été un héros, on aurait pu trouver qu’il avait l’air désagréable.

Mais quand les pas légers firent entendre leur froissement à travers les longues herbes, et qu’à ce bruit se joignit le bruissement imperceptible de vêtements féminins, son visage s’éclaira aussi soudainement que si l’épais feuillage au-dessus de sa tête avait été entr’ouvert par la hache d’un Titan, et que le soleil l’eût tout à coup inondé de ses rayons. Cette physionomie si expressive s’assombrit quelque peu quand Lansdell aperçut Sigismund derrière la femme du médecin : mais ce nuage passa rapidement. Les fureurs monomanes d’un jaloux ne pouvaient en aucune façon changer Smith en Cassio. Desdémone aurait pu le défendre du matin au soir et lui faire présent de n’importe quel nombre de mouchoirs de poche ourlés et marqués de ses belles mains sans causer au More la plus petite émotion de crainte.

Lansdell ne reconnut pas le jeune camarade qui avait pendant quelque temps trébuché à ses côtés sur le chemin de la science ; mais il vit que Sigismund était un être inoffensif ; et après qu’il eut découvert sa belle tête pour saluer Isabel, il adressa à Smith un geste affable qui pouvait avoir toutes les significations.

— J’ai laissé les gardes tirer les premières compagnies, — dit-il presque à voix basse à Mme Gilbert, — et je suis ici depuis dix heures.

Une heure était sonnée. Isabel se dit qu’il était là depuis trois heures à l’attendre.

Oui, c’en était déjà venu là. Mais il s’en allait à la fin d’octobre. Il s’éloignait, et tout serait fini et la fin du monde aurait lieu le premier jour de novembre.

Sur le banc, au pied du chêne, il y avait une pile de