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LA FEMME DU DOCTEUR.

j’en puis sortir aussi aisément que j’y suis entré. Je quitterai le Midland le mois prochain.

— Mais demain les Gilbert dînent avec vous à Mordred ; et pendant tout ce mois-ci vous aurez mille occasions de revoir Mme Gilbert, de lui prêter d’autres livres, et de vous occuper d’elle, et ainsi de suite. Ce n’est pas que je vous soupçonne, Roland ; je n’ai pas si mauvaise idée de vous que je mette votre honneur en doute à cette occasion. Mais vous faites du mal ; vous tournez la tête à cette folle enfant. Ce n’est pas une bonne action de lui prêter des livres, de l’inviter à Mordred pour lui faire entrevoir, un instant, une existence qui ne peut pas lui appartenir. Si vous voulez faire le bien et élever le niveau de son existence, faites-la votre dame de charité, confiez-lui une centaine de livres à distribuer par an parmi les malades nécessiteux de son mari. Cette pauvre et faible enfant se meurt faute d’un devoir à remplir sur cette terre ; faute d’une tâche obligatoire qui l’occupe au jour le jour, ou faute d’un lien entre elle et son mari. Roland, je crois fermement que vous êtes un homme de cœur et d’esprit, digne d’être l’orgueil d’un vieux garçon. Mon cher enfant, donnez-moi le droit d’être plus fier encore que je ne l’ai jamais été. Quittez le Midland demain matin. Il vous sera facile d’imaginer quelque excuse. Allez-vous-en demain, Roland.

— Je vous le promets, — répondit Lansdell après un moment de silence. — Je partirai, Raymond, répéta-t-il en serrant la main de son ami. — Peut-être me suis-je égaré un instant, mais il suffit de la voix d’un homme de cœur comme vous pour me remettre en bon chemin. Je quitterai le Midland demain, Raymond, et je ne reviendrai pas de longtemps.