Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LA FEMME DU DOCTEUR.

fins, qu’on appelait la fille ; mais cette jeune personne sortait rarement de la pénombre de la cuisine où l’on entendait sans cesse le bruit des robinets ouverts et le cliquetis de la vaisselle, excepté lorsqu’elle venait enlaidir les groseilliers au moyen de serviettes et de torchons qu’elle étalait au soleil pour les sécher. Un esprit ignorant eût pensé que les Sleaford auraient parfaitement pu se passer d’une domestique, car Mme Sleaford semblait faire toute la cuisine et la plus grande partie du ménage, pendant qu’Isabel et ses frères étaient chargés à tour de rôle de faire les commissions et d’ouvrir la porte du jardin.

Le grand parloir était un palais en comparaison du petit ; car Mme Sleaford chassait ses enfants par une distribution de taloches quand ils s’avisaient d’y transporter les accessoires artistiques qu’elle appelait leur bric-à-brac. Les déprédations de l’engeance enfantine étaient en conséquence moins visibles dans cette pièce. Mme Sleaford avait fait toilette pour faire honneur à son nouveau pensionnaire, et son visage luisait grâce à l’application récente de savon à la guimauve. George vit immédiatement que c’était une petite femme très-vulgaire, et que les avantages intellectuels qui pourraient se manifester chez les enfants leur viendraient du père. Il ressentait un profond respect pour cette spécialité de la profession légale, et il se demandait comment un avocat avait pu épouser une femme comme Mme Sleaford, et comment il pouvait vivre dans le désordre particulier aux maisons dont la maîtresse fait les fonctions de cuisinière et dont les enfants vont aux commissions.

Après le thé les deux jeunes gens se promenèrent dans les allées du jardin envahies par les herbes,