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LA FEMME DU DOCTEUR

Mais le jeune médecin était fort occupé depuis que son père l’avait admis aux droits solennels de l’association. Il lui restait bien peu de temps à consacrer aux promenades sentimentales dans le cimetière. La clientèle de la paroisse était considérable et George parcourait de longues distances sur son solide poney gris pour aller soigner des malades nécessiteux qui le remerciaient à peine de sa sollicitude. George avait un cœur d’or et il donnait souvent de sa poche à ceux de ses malades qui avaient besoin de nourriture plutôt que de médicaments. Petit à petit l’on s’aperçut que George ne ressemblait pas à son père et qu’il ressentait une tendre pitié pour les chagrins et les souffrances auxquels sa profession le faisait assister. L’amour et la gratitude pour le jeune docteur furent peut-être lents à naître dans le cœur des malades nécessiteux, mais ils s’enracinèrent profondément et devinrent des plantes superbes et vigoureuses avant la fin de la première année de service de George. Avant la fin de cette année, l’association entre le père et le fils était irrévocablement dissoute sans la participation des hommes de loi et sans aucune formule légale, et George devenait le maître unique de la vieille maison blanchie à la chaux et ornée de ses pignons de vieux chêne.

Le jeune homme pleura la perte de son père avec la sincérité naïve qui était le trait dominant de son caractère. Il s’était montré fils obéissant depuis le premier jour jusqu’au dernier moment, aussi soumis une fois arrivé à l’âge d’homme qu’il l’avait été pendant l’enfance. Mais cette obéissance n’avait rien de puéril, ni de rampant. Il était soumis parce qu’il croyait à la sagesse et à la bonté de son père ; il res-