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LA FEMME DU DOCTEUR

George fit par cette belle matinée de mars, pendant laquelle les pâles primevères brillaient dans les taillis et l’odeur des premières violettes se mêlait faiblement à l’air. Les chemins de communication étaient de longues avenues qui auraient fait la gloire d’un parc ducal, et, çà et là, par une ouverture de la haie verdoyante, une maison de campagne aux murs éclatants de blancheur, ou quelque grave château construit en briques rouges apparaissaient blottis dans une retraite d’une beauté rustique et faisant étinceler leurs vitres brillantes au gai soleil de midi.

À mi-chemin entre Graybridge et Conventford, il y a le village de Waverly, à la longue rue bordée de vieilles maisons de l’époque d’Élisabeth, sur laquelle les tours en ruine d’un antique château jettent leur ombre protectrice. John de Gaunt fut le seigneur et le fondateur de la plus grande de ces vieilles tours, et l’étrange fille d’Henri VIII festoyait dans l’immense salle de banquet à l’endroit où le lierre accroche ses guirlandes naturelles aux meneaux de pierre d’une fenêtre à la Tudor. En cet endroit, le médecin donna une poignée de foin et un seau d’eau à sa monture, après s’être arrêté à l’auberge des Armes de Waverly ; puis il partit au pas par la longue avenue en dôme qui s’étend depuis le tranquille village jusqu’aux abords du tumultueux Conventford. Au bout de quelque temps George mettait Brown Molly à un trot pesant et arrivait bientôt à la barrière qui termine l’avenue, laissant derrière lui le séduisant Midland. Devant lui, il n’avait plus qu’une ville enfumée, bruyante et pauvre, avec ses hideuses cheminées de fabrique obscurcissant l’air et ses trois clochers élevés dominant la foule des toits entassés à leurs pieds.