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LA FEMME DU DOCTEUR.

Le valet de chambre toussa d’un air candide derrière sa main et regarda discrètement les cartouches de chêne sculpté du plafond. Roland se leva vivement.

Mme Gilbert, — murmura-t-il, — à une heure pareille ! C’est impossible !… elle ne peut… Faites entrer cette dame, quelle qu’elle soit, — dit-il à voix haute au domestique. — Il faut qu’il soit arrivé un malheur ; ce ne peut être qu’une affaire de la dernière importance qui amène quelqu’un à une heure pareille.

Le domestique s’éloigna, fermant la porte derrière lui, et Roland resta debout devant la cheminée, attendant sa visiteuse. Toutes les teintes chaudes de son visage disparurent et il pâlit incontestablement. Il n’avait jamais eu ce que le peuple appelle des couleurs, mais il pâlit encore. Pourquoi venait-elle à une heure pareille ? Quel était son dessein en venant dans cette maison plutôt que dans toute autre ? Venait-elle pour lui dire qu’elle avait modifié sa décision ? Pour un instant, un flot de délices envahit son âme, aussi chaud et vivifiant qu’un brusque rayon de soleil dans les derniers jours de l’automne ; mais l’instant d’après, — tant cette émotion que nous appelons l’amour est étrange et subtile, — une sensation glaciale de regret se glissa dans son esprit, et il fut presque fâché qu’Isabel fût venue ainsi vers lui, bien qu’elle lui apportât la promesse d’un bonheur futur.

— Pauvre enfant ignorante et naïve… quel malheur que mon amour te soit éternellement préjudiciable ! — pensait-il.

La porte fut rouverte par le valet de chambre, avec autant de solennité que s’il s’était agi de livrer passage à une duchesse en toilette de cour, et Isabel pénétra