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LA FEMME DU DOCTEUR.
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murmure sourd et harmonieux d’une voix enfantine, l’éclat d’un bras blanc sur un balcon éclairé par la lune ?

CHAPITRE XXIII.

UN LÉGER NUAGE.

Isabel était heureuse. Il était revenu ; il était revenu près d’elle ; il ne devait plus la quitter ! N’avait-il pas dit quelque chose qui signifiait cela ? Il était revenu parce qu’il avait trouvé la vie insupportable loin d’elle. Lansdell avait dit tout cela à la femme du médecin, non pas une fois, mais vingt fois ; et elle avait écouté, sachant qu’elle faisait mal, mais impuissante à fermer l’oreille à ses paroles doucement insidieuses. Elle était aimée, pour la première fois de sa vie, sincèrement, sentimentalement aimée, comme l’héroïne d’un roman. Elle était aimée, en dépit de ses robes étriquées, de ses chapeaux vulgaires, de ses bottines de façon campagnarde. D’un seul coup, en un instant, elle était sacrée reine, couronnée du plus noble diadème de la femme, l’amour d’un poète. Elle était Béatrice, et Roland était Dante ; ou bien elle était Léonore et il était le Tasse ; il lui importait peu. Ses idées des deux poètes et de leurs amours étaient presque aussi vagues que les notions du montreur de diorama sur les guerriers rivaux de la bataille de Waterloo. Elle était l’amour nuageux du poète, l’amour idéal et impossible qui ne pouvait jamais être pour lui qu’un rêve éternel.