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DU SERPENT.

et à regarder dans l’eau. Lui et moi étions les seuls êtres en vue dans cet endroit, et il ne se fut pas plutôt aperçu que je venais le long du bord, qu’il se mit à crier : « Eh ! là-bas ! avez-vous rencontré Une jeune femme descendant dans votre chemin ? » Ces mots me saisirent d’étonnement, je ne sais pourquoi, cela se rapportait si bien à ce que je pensais en moi-même. Je secouai la tête, et il ajouta : « Il y a eu quelque malheureuse jeune fille par ici qui a essayé de noyer son petit enfant. J’ai vu la petite créature dans l’eau, et je l’ai repêchée avec ma gaffe. J’avais vu la jeune fille rôder aux environs, à la brune, et puis j’ai entendu le bruit de l’eau quand elle y a jeté l’enfant ; mais le brouillard était si épais, que je n’ai rien pu voir sur le bord pendant ce temps-là. » Le bateau était justement près du rivage, et je sautai dedans. N’étant pas assez fortuné pour posséder une voix, vous savez combien cela est désagréable avec des étrangers, je ne pouvais parvenir à me faire comprendre du jeune homme, et il cessa de crier quand il vint à savoir que j’étais muet ; il n’eût pas parlé sur un ton plus élevé si j’avais été un monsieur. Il me dit qu’il porterait l’enfant au dépôt de mendicité, et qu’il espérait que la mère ne s’était pas portée à quelque violence contre elle-même. Je n’espérais pas de même, car je me souvenais du regard qu’elle avait jeté sur la rivière, et cela ne me rassurait pas beaucoup sur