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LE SECRET

jours très-difficile de croire que les malheurs qui frappent à chaque instant nos voisins puissent nous atteindre nous-mêmes. Je ne saurais me faire à l’idée que l’esprit de mon neveu est dérangé… c’est impossible, Lucy. Je l’amènerai à demeurer auprès de nous, et nous le surveillerons attentivement. Je vous répète, ma chère, que s’il y a quelque chose de travers en lui je le découvrirai, car depuis qu’il est au monde il a toujours été pour moi comme un fils. Mais pourquoi les étranges paroles de Robert vous ont-elles effrayée à ce point, Lucy ?… elles ne vous touchaient en rien. »

Milady poussa un soupir plaintif.

« Vous me prenez donc pour un esprit fort, sir Michaël, puisque vous vous imaginez que je puis entendre de pareilles choses avec indifférence. Je vous déclare que de ma vie je ne pourrais revoir M. Robert Audley.

— Et vous ne le reverrez pas si cela vous plaît, ma chère enfant… non, vous ne le reverrez pas.

— Mais vous venez de dire que vous le retiendriez ici.

— Je m’en garderai bien si sa présence vous est pénible. Grand Dieu ! Lucy, pouvez-vous supposer un seul instant que j’aie d’autre désir que celui de vous rendre heureuse. Je consulterai quelque médecin de Londres au sujet de Robert, et il s’assurera si le fils de mon pauvre frère est réellement privé de sa raison. Vous n’éprouverez aucun ennui, Lucy.

— Vous devez me croire mauvaise, et je sais que sa présence ne devrait pas m’être odieuse ; mais à vrai dire il s’est mis en tête des idées si absurdes sur mon compte, que…

— Sur votre compte ? Lucy.

— Oui, cher. Il me fait participer — je ne sais comment — à la disparition de ce M. Talboys.