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LE SECRET

« Je vous quitte, mon ami, lui dit-elle ; si vous pouvez dormir, ce sera tant mieux ; si vous voulez lire, les livres et les journaux sont sur votre table. Je laisserai la porte de communication entr’ouverte, et j’entendrai si vous m’appelez. »

Lady Audley traversa son cabinet de toilette et entra dans son boudoir où elle était restée avec son mari depuis le dîner.

Toutes les élégances de la femme étaient réunies dans ce magnifique boudoir. Son piano était ouvert et surchargé de partitions qu’aucun maître n’aurait dédaigné d’étudier. Son chevalet se dressait tout près de la fenêtre, et l’aquarelle qu’il supportait était une preuve du talent artistique de Lucy : c’était une vue du château et des jardins. Des broderies de tulle et de mousseline, des soies et des laines fines de toutes les couleurs jonchaient le parquet, et les glaces, habilement placées aux encoignures de l’appartement par un adroit tapissier, multipliaient l’image de la reine de ce séjour.

Lucy Audley, au milieu de tout ce luxe, de toutes ces lumières, de toutes ces dorures, s’assit sur un tabouret auprès du feu, et s’abandonna à ses réflexions.

Si M. Holman Hunt avait pu jeter un coup d’œil dans ce joli boudoir, je crois que ce tableau se fût à l’instant photographié dans son cerveau, et qu’il n’aurait eu qu’à le reproduire pour la plus grande glorification des préraphaélites. Milady, dans cette attitude à demi penchée, son coude appuyé sur un genou, et son menton délicat dans la main, avait autour d’elle les riches draperies qui retombaient en plis onduleux, et la lumière du foyer qui l’enveloppait d’un doux reflet couleur de rose sur lequel tranchait sa chevelure dorée. Elle était belle par elle-même, mais tous les ornements de son boudoir la rendaient plus belle encore. Il renfermait des coupes en or et en ivoire ciselées par Benvenuto Cellini ; des petits meubles de