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DE LADY AUDLEY

si elle remontait par la pensée aussi loin dans le courant de sa vie, elle devait se repentir amèrement d’avoir cédé ce jour-là à l’empire funeste des trois plus grandes passions, à ces trois démons, la vanité, l’égoïsme et l’ambition, qui avaient joint leurs mains autour d’elle, et s’étaient écriés : « Cette femme est notre esclave, voyons ce qu’elle fera sous notre domination. »

Comme ces premières erreurs de jeunesse semblaient petites à milady pendant qu’elle les comptait une à une dans son boudoir solitaire ! C’était bien peu de chose qu’une victoire sur une amie de pension et un peu de coquetterie avec le prétendu d’une compagne, pour s’assurer que le droit divin conféré à des yeux bleus et à une chevelure dorée était incontestable. Mais comme ce sentier s’était agrandi insensiblement, et avait fini par devenir la grande route du crime où elle avait marché d’un pas rapide !

Milady enroula ses doigts dans les boucles couleur d’ambre qui flottaient librement autour de sa figure, et les serra comme si elle avait voulu les arracher de sa tête. Mais même en ce moment de désespoir muet, la beauté lui fit sentir son empire, et elle lâcha les pauvres anneaux emmêlés qui entouraient sa tête et les laissa former une auréole à la faible lueur du foyer.

« Je n’étais pas mauvaise quand j’étais jeune, se dit-elle en regardant le feu fixement, j’étais seulement inconséquente. Je ne faisais jamais le mal, — avec intention, du moins. Ai-je réellement été mauvaise ? Je me le demande. Non, tout le mal causé par moi était le résultat des premières impulsions et non d’un projet bien arrêté. Je ne suis pas comme ces femmes dont j’ai lu l’histoire, qui veillaient jour et nuit, calmes et sombres, préparant leurs forfaits et arrangeant tous les détails du crime projeté. Souffraient-