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DE LADY AUDLEY

le plafond, blanchi à la chaux. La porte de la salle derrière le comptoir était entr’ouverte, et lady Audley entendit le rire brutal de Marks en franchissant le seuil de l’auberge.

« Je vais lui dire que vous êtes ici, milady, murmura Phœbé à son ancienne maîtresse. Il doit être ivre, et je vous supplie de ne pas vous en offenser, s’il vous dit quelque grossièreté. Vous savez que je ne voulais pas que vous vinssiez.

— Oui… oui… je le sais ; mais que m’importe sa grossièreté ? Qu’il dise ce qu’il voudra. »

Phœbé Marks poussa la porte de la salle, laissant milady derrière elle.

Luke était assis, les jambes étendues sur les chenets. Il tenait d’une main un verre de gin, et de l’autre le tisonnier dont il se servait pour remuer les charbons et livrer passage à la flamme.

Quand sa femme parut, il retira brusquement le tisonnier et dit en branlant la tête comme un homme ivre :

« Vous vous êtes donc enfin décidée à revenir, madame, je vous croyais partie pour toujours. »

Sa langue était épaisse ; il parlait avec peine et d’une façon peu intelligible ; ses yeux étaient humides, ses mains tremblantes, et sa voix indiquait qu’il avait bu ce soir-là encore plus que de coutume. Brutal à jeun, il l’était dix fois plus encore en état d’ivresse. Il ne gardait plus alors la moindre réserve.

« Je… je suis restée plus longtemps que je ne pensais, répondit Phœbé d’un ton conciliant ; mais j’ai vu milady, et elle a été très-bonne pour nous, et… elle réglera cette affaire.

— Très-bonne, ah ! ah ! vraiment, murmura Marks d’une voix entrecoupée, je ne lui en sais aucun gré ; je la connais, sa bonté, et si elle n’y était pas forcée, elle changerait d’allures. »