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LE SECRET

sant claquer son fouet avec un bruit qui retentissait comme quelque chose de diabolique dans l’obscurité ; il ramenait une paire de chevaux si petits, qu’on aurait pu croire qu’ils avaient été extraits tous deux d’un cheval ordinaire.

Robert laissa milady dans la salle commune, sous la garde d’une servante à figure endormie, pendant qu’il se rendait dans un autre endroit de la ville. Il y avait des formalités à remplir avant de faire enfermer la femme de sir Michaël dans la maison indiquée par le docteur Mosgrave. Robert eut à voir une foule d’importants personnages, à prononcer grand nombre de serments, à montrer la lettre du médecin anglais, et à signer et contre-signer pas mal de papiers, pour ouvrir à la cruelle femme de son ami perdu les portes de cette demeure d’où elle ne devait plus sortir. Plus de deux heures furent employées à tous ces arrangements, et quand le jeune homme revint à l’hôtel, il trouva lady Audley en contemplation devant deux bougies et une tasse de café à laquelle elle n’avait pas touché.

Robert fit monter milady dans la voiture de louage et prit place à côté d’elle.

« Où me conduisez-vous ? lui dit-elle enfin. Je suis lasse d’être traitée en enfant méchant qu’on met dans un cabinet noir pour le punir d’une faute. Où me conduisez-vous ?

— Dans une retraite où vous aurez le temps de vous repentir du passé, mistress Talboys, » répondit gravement Robert.

Ils abandonnèrent les rues pavées et débouchèrent sur une grande place où s’élevaient au moins une demi-douzaine de cathédrales. Ils gagnèrent ensuite un boulevard éclairé par des lanternes et aperçurent des branches d’arbres sans feuilles qui tremblaient au vent comme des spectres décharnés. De chaque