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LE SECRET

Il se répéta cette question à plusieurs reprises en fumant son meerschaum et s’entourant de la fumée bleuâtre de sa pipe, jusqu’à ce qu’il eût l’air de quelque magicien moderne au milieu de son laboratoire.

« Pourquoi ne fuit-elle pas ?… Sur cette maison moins que sur toute autre, je ne voudrais pour rien au monde attirer la foudre. Je veux seulement remplir mes devoirs envers mon ami disparu et envers cet homme brave et généreux qui a donné sa confiance à cette femme indigne. Le ciel m’est témoin que je ne désire pas le châtiment. Je ne suis pas né pour être un redresseur de torts et le persécuteur des méchants. Je ne demande qu’à remplir mon devoir. Je l’avertirai une fois encore, ouvertement et en termes précis, et puis… »

Ses pensées s’envolèrent vers ce sombre avenir où pas un rayon de lumière ne brillait au sein des ténèbres qui l’entouraient de toutes parts, et où l’espérance ne pouvait pénétrer. Il serait à tout jamais hanté par la vision des angoisses de son oncle, à tout jamais torturé par l’idée de cette ruine et de cette désolation qui, sans être occasionnées par lui, sembleraient être son œuvre. Mais la main de Clara Talboys était là menaçante, et d’un geste impérieux elle l’attirait vers la tombe inconnue de son frère.

« Irai-je à Southampton, se demanda-t-il, essayer d’apprendre l’histoire de la femme qui est morte à Ventnor ? Agirai-je par ruse en corrompant les misérables qui ont participé au crime, jusqu’à ce que je trouve le fil qui me guidera vers celle qui l’a préparé ? Non ! pas avant d’avoir cherché la vérité à l’aide d’autres moyens. Irai-je voir ce misérable vieillard et l’accuser d’avoir trempé dans le complot dont mon ami a sans doute été la victime ? Non ! je ne veux plus le torturer comme je l’ai fait il y a quelques semaines. Je m’adresserai à la directrice du complot, et je lui arra-