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LES OISEAUX DE PROIE

et, sans qu’elle levât la tête, ses yeux brillèrent dans l’obscurité. Elle ne bougea pas, mais une sorte de rigidité fixa la nonchalance gracieuse de son attitude. Une main se posa doucement sur son épaule et une voix prononça le mot :

« Diana ! »

Celui qui parlait était Valentin ; le jeune homme même dont l’arrivée dans le temple de l’or avait été si impatiemment attendue par la fille du capitaine. Elle se leva et se tourna vers lui.

« Vous avez perdu, je suppose, M. Haukehurst ? dit-elle, car autrement vous ne seriez pas rentré.

— Je suis forcé d’avouer que votre supposition est fondée, Mlle Paget, et il est inutile de discuter la conclusion que vous en tirez. J’ai perdu… j’ai même perdu d’une épouvantable façon. Comme on ne fait pas de crédit dans ce tripot, je n’avais aucun motif d’y rester. Votre père n’a pas été plus heureux pendant les deux dernières heures ; mais lorsque je l’ai quitté, il se rendait à l’Hôtel d’Orange, avec quelques Français, pour y faire une partie d’écarté. Le capitaine est un habile joueur, Mlle Paget, et il possède un très-joli talent : celui de faire connaissance avec des gens comme il faut. »

Peu de filles auraient été satisfaites en entendant parler de leur père avec un pareil sans-gêne, mais Diana n’en fut nullement émue. Elle avait repris sa première pose, et assise de nouveau sur le balcon, elle regardait les fenêtres éclairées du Kursaal, pendant que Haukehurst, appuyé contre un angle de la croisée, s’y tenait les mains dans les poches, le cigare aux dents.

Depuis trois années, Valentin avait constamment vécu dans la compagnie de la fille du capitaine, et pendant