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LES OISEAUX DE PROIE

n’y a que l’argent qui en ait. Allez voir ces pauvres diables, là-bas ! s’écria-t-il en indiquant le Kursaal étincelant de lumières, et vous verrez ce qui en est. Vous verrez là le moteur vivant, palpable, universel de ce monde. Il n’y a pas autre chose que l’argent, les hommes sont ses esclaves ! Vivre ne veut pas dire autre chose que ceci : chercher à s’enrichir. Le Kursaal est en petit l’image du monde entier, Diana, et notre globe n’est pas autre chose qu’une grande table de jeu, un vaste temple élevé au veau d’or.

— Pourquoi donc imitez-vous ces gens-là, si vous les méprisez si fort ?

— Parce que je leur ressemble. L’argent est le commencement et la fin de toutes choses. Pourquoi suis-je ici et pourquoi ma vie n’est-elle faite que de platitudes et de mensonges ? Parce que mon père était un dissipateur imprévoyant qui ne m’a pas laissé un revenu de cinq cents livres par an. Je me demande quel homme je serais devenu si j’avais eu cinq cents livres de revenu ?

— Vous seriez honnête et heureux, répondit vivement la jeune fille, oubliant son indifférence simulée et dirigeant vers lui un regard triste et bon.

— Honnête, peut-être, bien que je doute qu’il m’eût été possible de l’être pour moins que cela ; mais non heureux, très-certainement. Les hommes qui peuvent être heureux avec un revenu de cinq cents livres sont d’une pâte plus forte que celle dont sont faits les Haukehurst.

— Vous dites que vous ne seriez pas heureux avec cinq cents livres par an, dit Diana avec impatience ; certainement une existence modeste serait le bonheur, comparée à la misérable vie que vous menez aujourd’hui ;