Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
LES OISEAUX DE PROIE

courant d’affaires principalement alimenté par des gens qui avaient besoin d’argent, ou dont les pas chancelants devaient être guidés dans le dédale de la Cour des Faillites. Il parvenait à grand’peine avec ce genre d’affaires à vivre tant bien que mal et à rester inscrit sur le tableau des avocats ; mais la grande aspiration de sa vie ne se réalisait pas ; elle était comme une ombre fuyante qu’il cherchait vainement à fixer, à faire solide et vivante.

L’idée dominante de George était qu’il y a de par le monde de grandes fortunes qui n’attendent qu’une occasion de s’offrir à quelque propriétaire entreprenant. Il trouvait juste que ce fussent les plus habiles et les plus intelligents qui provoquassent cette occasion, et il estimait qu’il était parmi ceux-là. C’est pour cette raison qu’il étudiait à fond les vieilles chroniques des comtés et fouillait sans cesse les vieux documents, touchant aux choses de l’état civil. Ses recherches l’avaient amené à connaître toutes sortes d’histoires extraordinaires. C’étaient des laboureurs enlevés à la charrue à qui l’on avait appris qu’ils étaient les légitimes propriétaires d’un revenu de quarante mille livres ; des vieillards mourant de faim dans de misérables taudis qui auraient pu prétendre à des fortunes incalculables, s’ils avaient su s’y prendre ; de pauvres femmes décrépites qui avaient couru le monde entier avec leurs sacs remplis de paperasses usées établissant leurs droits et les injustices dont elles étaient victimes, calomniées et repoussées, jusqu’à l’heure où elles rencontraient un avocat subtil, entreprenant, opiniâtre qui savait faire triompher leur cause.

George avait lu tant d’aventures de cette sorte qu’il s’était mis en tête qu’une chance pareille ne pouvait