Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
LES OISEAUX DE PROIE

Diana avait accueilli son amie avec sa froideur habituelle, au grand désappointement de celle-ci. Charlotte avait un besoin excessif d’expansion et ne demandait qu’à ouvrir son cœur. Elle soupirait après Diana, attendait le moment où elle se jetterait à son cou, lui ferait toutes ses confidences. Elle restait assise près de la fenêtre, pensant à Valentin, désireuse de parler de lui, mais ne sachant comment commencer.

Diana aussi était assise devant son éternel métier à broder, piquant ses grains de verre avec la régularité d’une machine : les petits grains, à mesure qu’ils quittaient son aiguille, faisaient entendre un petit bruit sec.

Depuis le retour de Charlotte, les deux jeunes filles montraient vis-à-vis l’une de l’autre une réserve inaccoutumée. Charlotte, qui brûlait de raconter son doux poème d’amour n’osait pas, et Mlle Paget se laissait aller au courant des tristes impressions qui, depuis quelque temps, assombrissaient son âme.

Diana épiait furtivement Charlotte tout en épiant ses petits grains ; elle l’épiait avec des yeux étonnés, ne comprenant rien à ces éclairs de bonheur qui enflammaient ses beaux yeux. Elle ne retrouvait plus son ancienne camarade gaie, rieuse, mais une femme faite qui semblait dominée par des émotions d’un ordre supérieur.

« Elle ne doit pas s’être beaucoup occupée de Valentin, pensa Diana ; autrement elle ne semblerait pas si heureuse après une aussi longue séparation. Je doute que ces créatures privilégiées, qui séduisent tout le monde, soient capables d’éprouver un sentiment profond. Le bonheur est une habitude pour celle-ci. Les attentions de Valentin lui ont fait plaisir. Le roman lui a été agréable tant qu’il a duré, mais à la première in-